La maternité ou l'art de devenir moins bandante qu'une borne fontaine (un an plus tard)

Si l'on savait ce que rapporte la maternité, on hésiterait davantage à mettre des enfants au monde !

- Charlotte Savary

- Attention aux petites gardiennes. Papa risque de céder aux attributs d’une fille à la chair ferme et à l'estuaire étroit. C’est ça un homme. De toute façon, admettons qu’une maman ce n’est pas très bandant !


Toujours aussi avenante notre Doryanne. Mais, dans ce qu’elle dit, généralement du vrai aussi. Alors que la petite gardienne est soignée de la racine des cheveux jusqu’aux ongles d’orteils, moi je cache maladroitement des kilos en trop dans des affreux t-shirts et leggings trop grands.


- Coudons, Jany, une douche, c’est juste quand il le faut vraiment ?

Aïe ! Doryanne n’y va pas de main morte. Encore heureux qu’elle me considère comme une bonne amie !

Je hausse dédaigneusement les épaules.

- Je te l’accorde, le cheveu bien gras c’est le look de la nouvelle maman !


À ce look, accolons les vocables «perturbée, surchargée, cernée et comblée.


- Tu n’es pas qu’une mère, t’es une femme avec un grand F. Surtout, n'omets pas que ces dodus seins là n’appartiennent pas qu’au bébé, ils appartiennent aussi à Emeric !

Je pince les lèvres, embarrassée :

- Chloé boit constamment. Je suis une vraie vache à lait !


Je ne lui dis pas que je suis convaincue que le seul fait de me voir donner le sein lui fait l’effet d’une douche froide.

- Ce n’est pas toi qui disais qu’avoir le plaisir et le supplice de son homme à portée de bouche c’était tout un pouvoir !?

J’écarquille les yeux :
- En fait, présentement je trouve que c’est surtout moins éreintant de lui faire une pipe que de strip-teaser comme je l’ai fait hier pour posséder mon homme.


J’étouffe un bâillement. Un sourire affleure sur les visages de mes trois compères. Elles attendent la suite.
- Je ne sais pas comment ces filles olé olé aux prénoms qui finissent tous en A réussissent à ne pas trébucher de leur poteau avec des seins aussi gros que des cantaloups…
Doryanne a un petit rire.
- C’est vrai que les tiens ressemblent davantage à des obus prêts à déflagrer !
Les trois filles me regardent, attendent que je leur dise quelque chose, que je leur en dise plus. Mais au lieu de répondre, j’entame mon omelette avec le tranchant de ma fourchette. Alors, Sabrine prend les devants :
- Donc, un divorce à l’horizon ?
Je secoue la tête et j’attaque mon omelette.
- Ça ne devrait pas tarder. Aux dernières nouvelles, Emeric semblait me trouver aussi bandante qu’une borne fontaine.
Doryanne croise mon regard et éclate de rire.


-Ben voyons ! Parce que tu pèses quinze bons kilos de trop ?


Bouche bée d’horreur, Sabrine presse trop de ketchup sur ses patates. Moi, je regarde Doryanne droit dans les yeux, impressionnée par son manque de tact.


Doryanne hausse les sourcils et ses lunettes de D&G lui tombent sur le nez :
- Ce n’était pas la meilleure chose à te dire, mais je suis trop lasse pour mentir.
Je ferme les yeux et soupire :
-On sait ça !


La machine à café est déjà à la bonne température et Clara nous prépare vite quatre doubles Expresso.
- Tu veux bien t’arrêter, le temps de finir ton assiette ?
Clara referme la porte du four, règle le thermostat et le minuteur.
- Nelly, je n’ai pas de jumelles, mais j’ai un restaurant à faire prospérer.
Décidément, ce matin, nous nous sommes toutes levées de mauvais poil !